TABLEAU HISTORIQUE DES HAUTES-ALPES


BRIANÇON

État ecclésial :

En 1118 il y avait à Briançon trois églises, l'une dédiée à Notre-Dame, l'autre, à saint Nicolas et une troisième, dont le vocable n'est pas connu, était située dans le château. Il est probable qu'aux VIIIe et IXe siècles les moines de l'abbaye de la Novalaise les possédaient, comme tant d'autres églises dans le Briançonnais; Au XIIe siècle les moines de l'abbaye d'Oulx en avaient la propriété et elles leur furent confirmées, en 1118, par Benoît, archevèque d'Embrun. En vertu d'une bulle du pape Calixte III ils reconstruisirent l'église paroissiale en 1196. Au XVIe siècle il n'y avait plus à Briançon qu'une seule paroisse dédiée à Notre-Dame et à saint Nicolas.
En 1516 les chapelles suivantes existaient dans cette paroisse: chapelle de la Sainte-Trinité, Saint-Marie-Madeleine, Saint-Michel, Saint-Laurent et Saint-Hippolyte, Saint-Pierre, Saint-Jacques, Sainte-Croix, Saint-Antoine et Saint-Étienne, Saint-Nicolas, Saint-Fabien et Saint-Sébastien, Sainte-Anne, Saint-Philippe et Saint-Jacques, Saint-Antoine et Sainte-Croix, Saint-François et Sainte-Croix et deux de Saint-Jean-Baptiste. Un bourgeois de Briançon nommé Michel Richard, avait fondé au commencement du XIVe siècle, dans le cimetière, une chapelle de Saint-Antoine, à laquelle il fit un legs par son testament du 3 mai 1325, un autre bourgeois nommé Daniel Moltet, notaire, fonda au même endroit, le 19 septembre 1348, une chapelle dédiée au Saint-Esprit. Dans les environs existait dès 1344 la chapelle de Sainte-Catherine au faubourg de ce nom, en 1455 l'archevêque d'Embrun en avait la collation, celle de Sainte-Croix, au Pilon, de Sainte-Croix, à Couleau de Sainte-Catherine, à la Maladrerie. Un cadastre de 1539 nous fait encore connaître les chapelles suivantes: Notre-Dame-de-Pitié, au Fontenil, Notre-Dame-des-Queyrelles, Saint-Blaise, aux Boulins (aujourd'hui Saint-Blaise); Saint-Étienne et Sainte-Catherine, dans la ville. Au XVIIe siècle celle de Saint-Roch et de Saint-Marcel fut fondée au Pont-de-Cervières, au XVIIIe, le roi en fit édifier une sous le titre de saint Louis au fort des Têtes. Il existait en outre, en 1539, un ermitage dédié à saint François, dans le territoire de Briançon.
L'église paroissiale eut à subir les atteintes des guerres de religion: D'abord placée dans le cimetière, on la reconstruisit dans l'intérieur de la ville sur les plans de Vauban, 1703 à 1718; Elle fut consacrée en 1726. En 1746 le Roi y créa une collégiale de quatre chanoines à laquelle il unit vingt-deux chapelles et dont le curé était prévôt
Les moines d'Oulx étaient décimateurs de Briançon; Ils en avaient obtenu le don ou la confirmation à diverses époques, notamment en 1148, 1170 et 1228. Par suite d'une transaction intervenue le 6 décembre 1747 la paroisse de Briançon payait à l'abbaye d'Oulx 264 livres et trente-six setier trois quarts de métayer à l'archevêque d'Embrun et au Chapitre de cette ville.
Le 8 juin 1302 Humbert I et Anne, dauphins, donnèrent aux Chartreux de l'Ile de Crémieu 24 livres et 13 sols de rentes sur la communauté de Briançon.
Les Cordeliers ou frères mineurs s'établirent à Briançon en 1390 ou 1391 grâce aux libéralités d'Antoine Tholosan, juge majeur du Briançonnais. Le 25 avril 1396 Jacques de Montmaur, gouverneur du Dauphiné, fonda deux messes dans ce couvent, qui ne payait aucuns décimes en 1516 à cause de sa pauvreté et qui existait encore en 1789.
Les Dominicains furent appelés à Briançon le 22 juillet 1624 par la famille Grand de Champrouet; leur couvent consacré en 1626 existait encore en 1789
Les Ursulines appelées à la direction de l'hôpital en 1632, conservaient en 1789 le même office
Les Récollets fondèrent, en 1642, une maison au faubourg Sainte-Catherine, et reçurent l'aumônerie de l'hôpital. Ils furent supprimés le 2 avril1782 pour insuffisance de revenus.

Ordres hospitalier:

Évidemment les templiers ont possédé des bien à Briançon: Dès 1344, l'un des quartiers de la ville se nommait le temple et la porte qui y donnait accès «Porte du Temple» Peut-être ces bien furent-ils aliénés avant la suppression de l'ordre, car ils ne passèrent pas à celui de Saint-Jean-de-Jérusalem.

Hôpitaux:

Dès 1344 une maladrerie existait sur la route du Mont-Genèvre et une chapelle y était dédiée à saint Catherine; Ce quartier se nomme actuellement la Mulatière. Un Hôpital plus considérable existait en 1539 dans l'intérieur de la ville sous le titre de Saint-Charles; Les biens de l'ancienne Maladrerie lui ayant été unis, il prit le nom d'Hôpital Saint-Roch et Saint-Charles. Il fut réorganisé par lettres-patentes de 1629 et 1745 comme Hôpital civil et militaire.
En 1344, une confrérie, nommée du pont, entretenait une petite maison de refuge pour les pauvres près du pont de la Guisane. Une autre confrérie, dit du Saint-Esprit, se dévouait au soulagement des malades de la ville.

Protestant:

L'exercice du culte protestant, établi à Briançon vers1575, et plusieurs fois interrompu, ne fut régulièrement organisé qu'en 1605; On autorisa à cette époque, au faubourg Sainte-Catherine, la construction d'un temple; Terminé en 1619, il fut démoli à la suite d'un arrêt du conseil du roi du 20 mai 1684. Un autre temple qui avait été commencé à l'Artaillaud, en 1623, ne fut jamais achevé.Voici la liste des pasteurs de Briançon:

Pierre Jourdan 1604-1608
Gervais Alexis
1612
Charles du Suau-la-Croix
1613
Gervais Alexis
1613‑1618
Daniel Sarret
1618
Jean Eymin
1619‑1623
François Guérin
1626
Abraham Jourdan
1630

Administration et Justice:

Briançon, castellum à l'époque romaine, était une station de la voie des frontières d'Italie à Arles; on y avait établi des magasins pour la subsistance des légions. Au moyen âge Briançon fut le siège d'une châtellenie, puis, au XIIIe siècle, d'un bailliage, transformé en vibailliage en 1447. Les consuls avaient une juridiction de police dans l'intérieur de leur ville, avec appel au vibailliage. Une subdélégation de l'intendance y fut établie au XVIIe siècle, ainsi qu'un bureau des gabelles. En vertu de la charte de liberté de 1343, Briançon ne faisait partie d'au­cune élection. Comme ville frontière et la plus forte place du Dauphiné, Briançon eut de bonne heure une garnison et un gouverneur. Cette gar­nison se composait, en 1598, de quarante et un fantassins coûtant à l'État 193 livres par mois, et, en 1635, de cinquante fantassins coûtant 601 livres par mois. L'état-major comprenait, en 1783, un gouverneur, un lieutenant du roi, un major de la ville, un major des forts, trois aides majors et deux sous aides majors.Voici la liste des gouver­neurs de Briançon :

Jean de Jouffrey 1399‑1440
Jean de Naveisse
1489
Jean de Guers
1547
N. de Châteauneuf
1545‑1551
Philibert d'Hos­tun‑Clavaison
1570
Georges Ferrus‑la‑Cazette
1574
Jean de Bourrelon de Mures
1577‑1581
Pierre d'Hostun‑Clavaison
1587-1590
Annibal d'Astres
1590-1628
François d'Urre d'Aigue-­bonne 1628‑1639
Henri de Marnais de Saint-­André
1640-1684
Louis du Faur de Satillieu
1692-1710
Louis‑Félicien de Boffin d'Argençon
1724‑1737
Jean-Baptiste-Louis Andrault de Langeron
1737-1754
Claude‑Charles Andrault de Langeron 1754-1790

Voici la liste des sergents-­majors de Briançon, office créé à la fin du XVIe. siècle

Jean Prudhomme 1636‑1655
François du Prit
1655‑1660
Alexandre de Mirgaillan
1671
N. de Vérot
1733‑1740
N. de Gandouin
1 740
N. d'Audiffred
1746‑1750
Jean-Charles Arlouin de Saint-Maurice
1778

État féodal.

En 1339 les trente et une familles nobles suivantes habitaient à Briançon : Rage, Bérard, Garin, Carborinel, Rodet, Nagy, L'aile, Rougier, Donnet, Tholo­san, André, Raymond, Monche, Béraud, d'Oulx, de Chanousse, Soffrey, Guidiari, Guibert, Reymband, Ber­mond, Gravier, Ecrivain, de la Salle, Atenulphi, du Jour Alloi, de Bardonnèche, Rive.
La plupart possédaient des fiefs ou droits féodaux.
Dans Briançon le Dauphin était seul seigneur ; il avait acquis, en 1316, de Jean Arnaud, quelques droits seigneuriaux que sa famille y percevait de temps immémorial, et avait con­cédé aux bourgeois plusieurs privilèges; les principaux comportaient exemption des lods ou droits de mutation, des droits de chevalage et de banne­rie. Le 26 octobre 1318 il étendit ces privilèges aux villages de la banlieue de Briançon.Les consuls rachetèrent, de 1343 à 1500, la plupart des droits seigneuriaux perçus sur leur territoire; ils acquirent du domaine, en 1558, les droits réels qui appartenaient encore au Dauphin. Toutefois, un petit fief persista jusqu'au milieu du XVIe siècle au village de Saint-Blaise :
Justet et Boniface de Bardonnèche en avaient une part en 1331.
Par­ceval, fils de Boniface, en 1362. Antoine, fils de Justet, en 1362. Guillaume Athenulphi possédait l'autre part en 1334.Georges, son fils, 1365. Guillaume, 1397. Bonasté et Françoise Bermond avaient tout le fief en 1399. La première, femme de Guigues Bermond, laisse deux fils, Pierre et Antoine (1437);la seconde épouse N. Amédée et laisse un fils, Jean Amédée (1410), qui achète la part des Bermond, ses cousins Jeanne Amédée, sa fille, épouse N. Peyron, dont les fils Gonet et Jean en héritent en 1458. François Peyron et Françoise, veuve d'Honoré Peyron, vendent, en 1510, ce fief à Jean Roux. Peu d'années après il disparaît racheté par les habitants. 

Industrie et Commerce:

Dès 1250 Briançon avait des foires importantes qui dataient de loin et dont les privi­lèges furent confirmés le 26 juin 1462 et le 14 avril 1542 par les rois de France :
-celle qui se tenait du 9 au 23 septembre attirait de nombreux étrangers, et un atelier monétaire était établi à Briançon pendant sa durée pour faciliter les transactions.
-Deux autres Foires avaient lieu les 1er mai et 11 juin
-Le 3l janvier 1339 le Dauphin permet aux Lombards résidant à Briançon d'y trafiquer pendant dix ans, moyennant une rente annuelle de 210 florins d'or.
-En 1778 un graveur sur pierres fines, nommé Claire-Monrand, fonda à Briançon un atelier pour la taille du cristal de roche; quoique habilement dirigé, il dut se fermer en 1793

Histoire:

1063, Guigues‑le‑Vieux passe à Briançon.
1073, Guigues‑le‑Gras, son fils, y est malade.
1188 et 14 mai 1189, Hugues, duc de Bourgogne et dauphin, séjourne à Briançon.
1216, 30 juillet, et 1223, septembre, Guigues‑André y séjourne
1250, 11 août, 1259, 28 novembre, et 1265, 19 juin, Guigues VII y séjourne.
1287, 25 septembre, 1303, 9 septembre, Humbert I y séjourne.
1310, du 5 au 12 septembre, 1311, du 7 au 13 septembre, 1316, 3 mai et 13 septembre, 1317, du 9 au 16 septembre, Jean II y séjourne.
1321, du 10 au 15 octobre, 1322, le 5 avril, 1326, le 8 septembre, 1332, du 25 juin au 31 juillet, Gui­gues VIII y séjourne.
1324, 18 septembre et 19octobre, Henri, dauphin, régent du Dauphiné, y séjourne
1331, du 19 mai au milieu de juin, Hum­bert II y séjourne
1343, 29 mai, 15 et 19juin, le Dauphin concède aux Briançonnais des chartes de libertés qui sont confirmées dans la suite par tous les Dauphins et les rois de France à leur arrivée au trône.
1347, 4 septembre, Humbert II sé­journe à Briançon
De 1371 à 1395, les murailles de la ville sont reconstruites.
1419, du 23 juillet au 4. août, Louis II, dauphin, séjourne à Briançon.
1494, 1erseptembre, Charles VIII, allant en Italie, couche à Briançon.
1495, 23 octobre, le même prince s'y arrête à son retour.
1537, 17 juin, le maréchal d'Humières vient inspecter les fortifications de Briançon du 31 octobre au 11 novembre au soir, François 1er, allant en Italie, s'y arrête.
1553, août, Henri II confirme les libertés briançonnaises.
1562, 26 novembre, Jean deMorvillers évêque d'Orléans, ministre d'État, passant à Briançon, fait conclure la paix entre les catholiques briançonnais et les protes­tants de Pragela, qui étaient en guerre permanente
1580, 5 avril, les protestants, commandés par le capitaine Nelly, s'emparent du château de Briançon par la trahison de quelques habitants; cernés par les milices de la contrée, ils capitulent au bout de peu jours.
1588,12 avril, en prévision d'une attaque des protestants, les faubourgs sont rasés; 1er août, Lesdiguières attaque la ville sans succès.
1590,6 août, les briançonnais se rendent à Lesdiguières.
1596, du 12 au 11 juin, Alexandre de Médicis, légat du pape, s'arrête à Briançon.
1624, du 26 au 29 octobre, Lesdiguières, sa femme Marie Vignon, son gendre Créqui, Bullion et Machault, conseillers d'État, réunis à Briançon, préparent la guerre de la Valteline; 1er décembre, un incendie détruit la moitié de la ville.
1629, 28 février, Louis XIII et Richelieu, allant forcer le pas de Suze, passent à Briançon.
1692, 26 janvier, incendie qui détruit une grande partie de la ville, 26 juillet, Catinat établit son quartier général à Briançon pour surveiller les mouve­ments du duc de Savoie; les faubourgs sont rasés
De 1693 à 1722, construction de plusieurs forts d'après les plans de Vauban.
1732, construction du pont jeté sur la Durance par M. d'Asfeld.
1746, création d'une collégiale à Briançon.
1782, incendie qui dévore quarante et une maisons.

Monnaies:

L’ordonnance du 13 novembre 1406 enjoint aux ouvriers de la monnaie d'Embrun de se transporter pendant un mois à Briançon, à l'époque des foires, pour frapper le numéraire nécessaire aux transactions. A partir de 1417, l'ate­lier d'Embrun ayant été supprimé, on autorisa la circulation dans le Briançonnais des monnaies étrangères interdites dans le reste du royaume.

Armoiries:

De la ville : d'azur a une porte de ville d'argent, surmontée de trois tourelles égales à toits pointus, portillée et ajourée de sable.
Des Cordeliers : de gueules à deux bras en sautoir, l'un vêtu, l'autre nu, d'ar­gent, cloués d'or, posés sur une croix d'argent.
Des Dominicains : d'or, à un saint Dominique debout, au naturel, vêtu de blanc avec scapu­laire de sable, tenant une croix d'argent et placé dans un chapelet de sable avec croix pendante de même.

Biographie:

CAIRE­ -MORAND (Antoine), né le 27 juin 1747, mort à Turin vers 1825; graveur sur pierres fines, il fonda, en 1778, à Briançon, un atelier pour la taille du cristal de roche, qui eût prospéré par­tout ailleurs, car il recevait une subvention de l'État et était bien dirigé. Ses travaux furent sus­pendus en 1793
FINE (Oronce), né en 1494, mort le 6 octobre 1555 mathématicien célèbre, professeur à l'Université de Paris, fabricant d'ins­truments scientifiques, auteur de plusieurs ouvrages remarquables. Il mourut dans la misère.
FINE DE BRIANVILLE (Claude‑Oronce), né vers 1600, mort en 1675; jésuite, conseiller et aumônier du roi, héraldiste, dessinateur, auteur de traités sur les devises, le blason et l'histoire de France, qui eurent du Succès.
FROMENT (Antoine), avocat au Parlement; il vivait encore en 1680; il publia un ouvrage intitulé. Essai de l'avocat Froment sur l'incendie de sa patrie, etc.; on y trouve quel­ques particularités sur l'histoire et la topographie du Briançonnais, mêlées dans une foule de bizarres digressions. Le plus grand mérite de ce livre, paru en 1639, est sa rareté.
MORAND (Jean‑Antoine), né le 10 novembre 1727, mort sur, l'échafaud le 24 janvier 1791 ingénieur et architecte habile élève de Servandoni, il construisit le grand théâtre de Lyon, le pont qui porte son nom et plusieurs autres monuments remarquables. Il fut condamné à mort par le tribunal révolutionnaire pour s'être oppose à la circulation gratuite sur le Pont-Morand qui lui appartenait.

Bibliographie:

C. S. Briançon (Album du Dauphiné, 1. n, p. 167.)
CHABRAND (Dr) Aperçu historique sur Briançon, son vieux château, ses fortifications, ses gouverneurs et ses milices (Bulletin de la Société d'études des Hautes-alpes, 1882, 1). 237, 1883, p. 21)
FOMENTEssai d'Antoine Froment, avocat au Parlement du Dauphiné, sur l'incendie de sa patrie, les singularités des Alpes et la principauté du Briançonnais, avec plusieurs curieuses remarques sur le passage du roi aux Italies, ravage des loups, pestes, famine, avalanches et embrasement de plusieurs villages. Grenoble, Ver­dier, 1639, in‑4‑; 2e édit, par M. A. Albert ; Gre­noble, Allier, 1868, in-8°
GAILLAUD (abbé), «Recherches historiques sur, la belle Briançonne ou Notre Dame‑du‑Château» Gap, Jouglard 1861, in‑8°.
GUILLAUME (abbé P..). Les premières fortification de Briançon. (Ces premières fortifications sont au moins les troisièmes) Gap, Jouglard, 1879, in .8°

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