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INDEX

DU MÊME AUTEUR


Paris

1887

Roman, Joseph

Tableau historique du département des

Hautes-Alpes

État ecclésiastique, administratif et féodal antérieur à 1789,

histoire, biographie, bibliographie de chacune des communes

qui le composent

Tome 1




TIRÉ A 250 EXEMPLAIRES


TABLEAU HISTORIQUE

DU

DÉPARTEMENT DES HAUTES-ALPES

¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯


PREMIÈRE PARTIE

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ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE, ADMINISTRATIF ET FÉODAL ANTÉRIEUR A 1789, HISTOIRE,
BIOGRAPHIE, BIBLIOGRAPHIE DE CHACUNE DES COMMUNES
QUI LE COMPOSENT


PAR

J. ROMAN

Correspondant du ministère de l'instruction publique pour les travaux historiques,
De la Société nationale des Antiquaires de France
De l'institut archéologique de Rome


PARIS
ALPHONSE PICARD, libraire de l'école des Chartes
92, rue Bonaparte
GRENOBLE
F. ALLIER PÈRE ET FILS, imprimeurs
Grande-Rue, 90 cour de Chaulnes

1887


INTRODUCTION


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Le Tableau historique des Hautes-Alpes est le complément de deux ouvrages qui m'ont coûté plusieurs années de travail; le Dictionnaire topographique et le Répertoire archéologique des Hautes-Alpes (1). Dans l'introduction du premier, j'ai fait connaître le résultat de mes recherches sur les divisions géographiques du département, et, dans le corps de l'ouvrage, j'ai réuni un assez grand nombre de formes anciennes de ses noms de lieu pour permettre de retrouver l'étymologie de beaucoup d'entre eux; dans le second, j'ai décrit ses monuments anciens et fait connaître les richesses archéologiques que le sol nous a livrées. Conformément aux sages prescriptions du Comité des travaux historiques, ni dans l'un ni dans l'autre de ces ouvrages je ne me suis occupé de l'histoire de la contrée.
  • Le Tableau historique vient combler cette lacune volontaire ; il est le résultat d'un dépouillement considérable d'actes anciens et de plusieurs années d'un travail très assidu et très consciencieux.
  • Adoptant les divisions territoriales de notre pays telles qu'elles étaient en l'an 1500, je passe successivement en revue ses évêchés, duchés, comtés, bailliages, châtellenies et mandements; consacrant un article particulier à chaque communauté j'expose ce que nous avons pu savoir de son histoire ecclésiastique, administrative, judiciaire, féodale, industrielle et commerciale, et j'énumère enfin les principaux événements dont il a été le théâtre les hommes remarquables qui y sont nés et les principaux ouvrages relatifs à son histoire.
  • J'ai cherché avant tout à resserrer le plus grand nombre de faits et de dates dans le moins de phrases possible; il ne faut donc point chercher dans ce travail des dissertations étendues; de la précision et de la clarté, c'est tout ce que j'ai voulu y mettre, n'ayant d'autre pensée que d'offrir un utile répertoire à ceux qui s'occupent de l'histoire du Haut-Dauphiné.
  • Je me suis efforcé de corriger et de compléter avec un soin minutieux les listes épiscopales et abbatiales publiées par les auteurs du Gallia; à l'aide de documents originaux j'ai pu éliminer plusieurs évêques de Gap et d'Embrun, qui y figuraient à tort, et les remplacer par quelques autres dont l'existence était ignorée. J'ai doublé presque partout le nombre des abbés connus jusqu'à aujourd'hui, de telle sorte que toutes ces listes, sans être définitives, sont ici infiniment plus correctes que dans les auteurs qui m'ont précédé. J'en dirai autant de celles des doyens et des prévôts de nos chapitres, des prieurs de nos prieurés conventuels et de nos chartreuses; ces dernières n'avaient pas encore été dressées. J'aurais pu pousser plus loin ce travail et donner même les listes des titulaires d'un grand nombre de petits prieurés, mais j'ai dû m'arrêter et ne pas dépasser une certaine limite au delà de laquelle tout intérêt historique fait défaut.
  • Les listes de nos baillis et de nos vibaillis qui ont été publiées étaient très incomplètes; je les ai complétées et j'y ai joint celles des juges majeurs et des magistrats épiscopaux.
  • Enfin je n'ai pas besoin d'insister sur la difficulté que j'ai eue à recueillir la nomenclature des seigneurs féodaux; c'est un travail très considérable et qui m'a demandé de longues recherches.
  • Je dois répondre par avance a un reproche qui serait grave s'il était justifié. On peut me blâmer de n'avoir pas corroboré chacune de mes assertions par la citation immédiate de la source à laquelle j'ai puisé. J'avais songé a le faire, mais je n'ai pas tardé la reconnaître que si, après chaque fait articulé j'en donnais la preuve, je devrais doubler le nombre des pages de mon volume et qu'il deviendrait en outre, par le fait même, absolument illisible.
  • Je me suis donc arrêté à un moyen terme : dans un deuxième volume je publierai l'analyse chronologique de plusieurs milliers de documents, c'est-à-dire de tout ce que le moyen âge nous a transmis, ou peut s'en faut, sur l'histoire de la région qui forme maintenant le département des Hautes-Alpes. Ces analyses seront un vaste répertoire qui permettra d'embrasser, année par année, l'histoire de cette contrée, de suivre pas a pas les progrès de la civilisation et les modifications qu'ont subies ses institutions politiques et municipales.
  • Ce deuxième volume allège le premier d'une multitude de notes et évite de nombreuse redites, sans nuire à la preuve que tout lecteur a le droit d'exiger. Étant donné un fait classé à une date précise, on en trouvera presque toujours la confirmation en se reportant à la date correspondante dans le volume consacré à l'analyse des actes. Je n'ai pas poursuivi ces analyses au delà de l'année 1500; à partir de cette époque, en effet, les documents sont extrêmement abondants, l'histoire des seigneuries est mieux connue, les institutions municipales se transforment, et les événements intéressants comme les guerres de religion, ont été l'objet de nombreux travaux spéciaux auxquels il suffit de renvoyer.
  • J'ai très peu emprunté aux ouvrages imprimés ; la Plupart de ceux qui concernent le département sont du reste de seconde ou de troisième main. Le seul livre qui été vraiment utile est l'histoire naturelle, géographique, ecclésiastique et civile du diocèse d'Embrun , par le curé Albert; malgré ses défauts, c'est encore ce qu'il y a de plus instructif sur le Haut-Dauphiné. En y joignant quelques parties des Institutions Briançonnais, de Fauché-Prunelle; des Recherches sur les pèlerinages de Notre-Dame d'Embrun, de M. Fabre; de l'histoire de Gap, de Gautier; du Protestantisme et les guerres de religion, de Charronnet, et un nombre très restreint de courtes monographies on aura le bilan à peu près complet de ce qui vaut la peine d'être consulté sur l'histoire des Hautes-Alpes.
  • Je me suis servi en outre, pour la partie biographique de l'excellente Biographie du Dauphiné, de M. Adolphe Rochas, devenue aujourd'hui classique, pour la liste des magistrats delphinaux, des notes qui accompagnent le Mémoire sur l'état du Dauphiné, de l'intendant Bouchu, dans l'édition qu'en a donnée M. Brun-Durand; pour celles des pasteurs protestants, de l'histoire des protestants du Dauphiné, de M. le pasteur Arnaud; pour les séjours des Dauphins dans nos contrées, des Itinéraires de ces princes, récemment publiés par M. l'abbé Chevalier; pour les armoiries des communautés, de l'Armorial du Dauphiné, de M. de Rivoire de la Bâtie; au surplus, j'ai fait de mon mieux pour compléter et corriger ces différents ouvrages quand l'occasion s'en est présentée.
  • On trouvera en tête du deuxième volume une note sur les sources de l'histoire des Hautes-Alpes; elle me dispensera d'entrer ici dans de plus longs détails.
  • Comme appendice à ce premier volume, j'ai donné, d'après des documents authentiques, un état de la population de nos diverses communes au XVe et au XVIIIe siècle, et j'ai placé en regard le chiffre de la population actuelle.
  • Plusieurs problèmes historiques intéressent le pays tout entier et non point une seule ville ou même un seul bailliage, tels sont, par exemple, l'origine de nos églises, le nombre et l'étendue de nos diocèses, les invasions sarrasines, etc. Le Tableau Historique serait incomplet s'ils n'y étaient traités, au moins sommairement. Je joins donc à cette introduction quelques courtes dissertations sur, ces divers points de notre histoire et une étude sommaire sur la féodalité et l'administration féodale dans le Haut-Dauphiné.

I. ORIGINE DES ÉGLISES DES ALPES.

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Grégoire de Tours attribue à saint Celse et saint Nazaire l'évangélisation de l'Embrunais (2) ; cette tradition s'est perpétuée et parait digne de foi. Ces deux saints ont toujours été particulièrement vénérés dans la ville d'Embrun; une église y était placée sous leur vocable.
Le même chroniqueur, d'accord avec les martyrologes d'Adon, de Bède, d'Usuard et de Notker, donne à saint Marcellin le titre de premier évêque d'Embrun (3)
Cet ensemble de témoignages ne laisse aucun doute sur l'époque de la fondation de l'évêché. Saint Marcellin était africain; il apporta l'évangile dans le Haut-Dauphiné vers le milieu du IVe siècle; la contrée était encore toute païenne. Il est vénéré dans tout l'ancien diocèse d'Embrun et même dans les diocèses voisins; huit paroisses et un nombre infini de chapelles sont placées sous son vocable dans le département des Hautes-Alpes.
Une tradition, dont on ne trouve pas trace avant le XVe siècle, rapporte que l'évêché de Gap doit sa création à saint Démétrius, On ignore la patrie, l'époque et les actions de ce personnage; il a été confondu avec saint Démétrius de Thessalonique et est vénéré le même jour. Le plus ancien document dans lequel il en soit question est un missel du commencement du XVe siècle (4), qui le qualifie de martyr et de disciple des apôtres; cette mention est répétée presque dans les mêmes termes dans un bréviaire de 1499 (5). Dans l'Histoire hagiologique des Hautes-Alpes (6), publiée par Mgr Depéry, évêque de Gap, il est qualifié de premier évêque de Gap, de disciple des apôtres et de saint Jean; il aurait subi le martyre en l'an 86 de J.-C., sur l'emplacement de l'ancien cimetière de Saint-André-lès-Gap, d'après les ordres d'un préfet
nommé Simon.
Toutes ces affirmations, ou peu s'en faut, ne supportent pas l'examen.
Saint Jean l'Évangéliste adressa, il est vrai, une lettre à un Démétrius, mais il ne s'en suit pas que ce Démétrius soit le même que le futur évêque de Gap. De même saint Irénée dédia l'un de ses ouvrages à un évêque nommé Démétrius, mais que rien ne démontre avoir été évêque de Gap. Ce nom de Démétrius n'était sans doute pas porté exclusivement par le fondateur de notre évêché.
Aucun texte ne prouve que saint Démétrius fut martyrisé en l'an 86. Cette date, insérée dans le bréviaire de 1499, est celle, non de son martyre, mais d'une prétendue constitution du pouvoir temporel des évêques de Gap, en vertu d'une donation plus que suspecte du comte de Provence. Le texte ne laisse aucun doute à cet égard (7), et cette date devrait être au moins remplacée par 986.
C'est au XVIIe siècle seulement que le cimetière de Saint-André est désigné pour la première fois comme le théâtre du martyre du premier évêque de Gap; or, cette église de Saint-André fut fondée en 1010 seulement (8).
Enfin, le préfet Simoni doit la vie à une faute d'impression et à deux barbarismes. M. de Rochas, en publiant en 1808 (9) une hymne en l'honneur de saint Démétrius, orthographia le ver: Jussu perfidissimo de la manière suivante: Jussu perfidis Simo. De là le fantastique perfide Simon est passé dans l'Histoire Hagiologique de Mgr Depéry, et de Mgr Depéry, cela est désolant à constater, dans le recueil des Bollandistes.
Aucune église, aucune chapelle n'a été dédiée à saint Démétrius dans le diocèse de Gap.
En l'absence de toute preuve contraire, il est infiniment probable que le diocèse de Gap, comme tous les diocèses voisins d'Embrun, Grenoble, Die, Sisteron et Digne, fut fondé dans le cours du IVe siècle. Saint Démétrius, s'il a existé, était vraisemblablement, comme saint Domnin et plusieurs autres évêques, un disciple de saint Marcellin (10)
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NOTA BENE
(retour de NOTA BENE)
  1. Dictionnaire topographique des Hautes-Alpes, Imprimerie Nationale, 1884, in-4° - Le Répertoire archéologique paraîtra dans quelques mois. Ces deux ouvrages sont publiés sous les auspices du Ministère, de l'instruction publique et du Comité des travaux historiques.
  2. Gloria martyrum, ch, 47.
  3. Gloria confessorum , ch. 69.
  4. Ce manuscrit appartient à M.Amat, conseiller général, à Gap.
  5. le seul exemplaire connu de ce volume est à la Bibliothèque Nationale.
  6. Gap, Delaplace, 1852, in-8°. Heureusement pour la Mémoire de notre ancien évêque, l'auteur de ce livre est M. l'abbé Gignoux; Mgr Depéry s'est contenté d'y mettre son nom.
  7. voici ce texte: Cum civitas Vapincensis à Sarracenis detineretur, quidam comes Guillermus nomine, Deo adjuvante, devicit Sarracenos predictos. Qui quidem medietatem civitatis predicte, Deo et Beate Marie, ipse et alii ejus consortes, dederunt, anno domini octuagesimo sexto.
  8. Bibliothèque Nationale, mss lat.12,659, p. 353.
  9. Dans l'ouvrage suivant: Nouveau pas dans les sentiers de la nature. Gap, Genoux, 1808, in-12, p. 168
  10. Origine des églises des Hautes-Alpes; Saint-Marcellin, Saint-Démétrius, par J. Roman; Grenoble, Allier, 1881, in-8°.
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II. NOMBRE ET LIMITES DE NOS DIOCÈSES,

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Il y a peu de choses à ajouter à ce que j'ai écrit dans l'introduction du dictionnaire topographique des Hautes-Alpes (1) sur le nombre et la limite des évêchés qui se partageaient le territoire actuel de ce département.
  1. L'identification de la civitas Rigomagensium avec Chorges est devenue une presque certitude après avoir été simplement une hypothèse probable. Plusieurs savants éminents, d'abord séduits par l'argumentation de M. l'abbé Duchesne (2), qui plaçait cet évêché à Thorame (Basses-Alpes), ont modifié maintenant leur opinion. En effet, son Hypothèse ne tien aucun compte du testament d'Abbon et de la place qu'occupe le pagus Higomagensis dans ce document célèbre; du diplôme de Louis le Débonnaire qui donne ce territoire à l'abbaye de la Novalaise; de la persistance pendant cinq siècles de ce nom Higomagensis qui dérive évidemment du mot Caturrigomagensis qui l'a précédé, et enfin de l'absence à Thorame de tous restes de l'époque romaine, si nombreux au contraire à Chorges. C'est l'opinion de savants dont la compétence dans l'histoire ecclésiastique du sud-est de la France est bien connue, de M.Allemer et de M. l'abbé Albanès; ce dernier nous fait depuis longtemps espérer un mémoire définitif sur cette question (3)
  2. Je n'avais pas discuté dans le Dictionnaire Topographique une autre hypothèse proposée par Mgr Billiet, dans son Mémoire sur les premiers évêque du diocèse de Maurienne (4) et d'après laquelle le Briançonnais tout entier et une bonne partie de l'Embrunais auraient fait partie, au VIe siècle, du diocèse dont il s'est fait l'historien; cela m'avait paru si peu sérieux que je ne m'en étais pas préoccupé. Mais M. Longnon en ayant juge autrement, et ayant adopté l'opinion de Mgr Billiet dans son Atlas Historique de la France, l'adhésion de ce savant donne une réelle importance à cette théorie qui, jusqu'ici, avait passé inaperçue et m'oblige à la discuter.
L'opinion de Mgr Billiet est uniquement basée sur le texte suivant, descriptif des limites du diocèse de la Maurienne :
Mgr Billiet a trouvé ce texte dans les notes d'un inconnu, avec l'indication qu'il provenait d'un manuscrit de la Bibliothèque nationale, ancien fonds Colbert, actuellement fonds latin 3,887 : ce manuscrit ne renferme pas la vie de sainte Thècle, de laquelle ce passage devait être extrait, sur la foi de la note consultée par Mgr Billiet. J'ai poursuivi mes recherches et ai passé en revue toutes les vies de sainte Thècle conservées dans les manuscrits de la Bibliothèque nationale (5); aucune ne renferme le texte précédent. Je ne saurais dire d'où il provient.
D'après le commentaire qu'y a joint Mgr Billiet, la civitatula de Rama serait Rame, ancienne station romaine de la voie Domitia, actuellement lieu dit du canton de Guillestre, a vingt-cinq kilomètres de la frontière italienne, à quarante des limites de l'évêché de Maurienne; le fleuve Baydra serait la Biaysse, torrent qui se jette dans la Durance tout à côté du lieu dit de Rame; Briantinum [in] Sabatidict serait Briançon (Hautes-Alpes).
Or, la Biaysse ne se jette pas dans l'Isère, tandis que le fleuve Baydra s'y jetait, le texte est formel à cet égard, et Briançon (Hautes-Alpes) n'a jamais fait partie de la Savoie. Le texte invoqué par -Mer Billiet, comme je vais le démontrer, place les limites de l'évêché de Maurienne exactement où elles sont encore aujourd'hui
Ce texte désigne quatre points, situés chacun à un mille environ (distance sans doute très approximative) de la limite commune des quatre évêchés de Turin, Embrun, Grenoble et Maurienne : Vologia en Italie (diocèse de Turin); Rama en Provence (diocèse d'Embrun); les sources du fleuve Baydra qui se jette dans l'Isère (diocèse de Grenoble); Briançon en Savoie (diocèse de Maurienne). Dans toute la région des Alpes briançonnaises une seule rivière est affluent de l'Isère, la Romanche; voilà donc un fait acquis et indiscutable, Baydra est la Romanche, là était l'une des bornes signalées par le texte.
Il est également très aisé de retrouver l'emplacement de Briançon en Savoie; un château de ce nom dont on ne rencontre pas trace dans la carte de l'État-Major ni dans le Dictionnaire des postes, mais connu par des textes du moyen âge, existait entre Saint-Jean-de-Maurienne et le col du Galibier (6). Voilà un second point acquis Rama en Briançonnais n'est évidemment pas Rame en Embrunais, situé à quarante kilomètres de la limite de la Maurienne, et correspond vraisemblablement à quelque ancienne agglomération qui a changé de nom ou a disparu aujourd'hui, soit dans les environs du Lauzet (vallée de la Guisane), soit dans ceux des chalets de Névache (vallée de la Clarée).
En recherchant ces divers points sur une case, on se convaincra que les limites des quatre évêchés dont il vient d'être question n'ont pas sensiblement varié depuis le VIe siècle.
Je n'ai pas besoin de dire que le Monêtier-de-Brançon, bourg important du Briançonnais, n'a jamais porté le nom du Monêtier de Maurienne comme l'affirme Mgr Billiet.
De tout cet échafaudage de preuves il ne subsiste rien, et cette vaste annexion de vingt-cinq paroisses du diocèse d'Embrun et de deux paroisses du diocèse de Grenoble (car rien ne lui coûtait pour agrandir la Maurienne), aboutit, en définitive, à placer les limites respectives des diocèses d'Embrun et de Maurienne où elles sont encore aujourd'hui.
3. Enfin je dois dire un mot d'une bulle du pape Eugène III, datée de 1152 et insérée dans les Monumenta historiae patriae (7) publiés par ordre du gouvernement italien.
Si l'on s'en rapportait à ce document, les paroisses de Saint-Étienne, Agnères, Saint-Disdier et le Noyer, c'est-à-dire le Dévoluy tout entier et une certaine partie du Champsaur auraient appartenu, au XIIe siècle, non au diocèse de Gap, mais à celui de Grenoble. Ces paroisses entourées de tous côtés par les diocèses de Gap et de Die, auraient formé une enclave.
Rien de plus suspect, que cette bulle qui octroie à l'abbaye italienne de Bréma, diocèse de Pavie, une foule de paroisses qu'elle ne posséda jamais, mais sur lesquelles elle prétendit toujours avoir des droits comme ayant succédé à l'abbaye de la Novalaise. L'annexion, que rien ne justifie, de quelques paroisses du diocèse de Gap à celui de Grenoble est même l'une des preuves les plus palpables de la fausseté de ce document.
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NOTA BENE

  1. Auteur(s) : Roman, Joseph (1840-1924). Titre(s) : Dictionnaire topographique du département des Hautes-Alpes [Texte imprimé] : comprenant les noms de lieu anciens et modernes / réd. par M. J. Roman,... ; publ. par ordre du ministre de l'Instruction publique ; et sous la dir. du Comité des travaux historiques
    Publication : Paris : Impr. nationale, 1884-. Description matérielle : LXXI-200 p. ; in-4-. Collection : Dictionnaire topographique de la France-. Autre(s) auteur(s) : France. Ministère de l'instruction publique. Éditeur scientifique France. Comité des travaux historiques et scientifiques. Directeur de publication.- Sujet(s) : Noms géographiques -- Dictionnaires Hautes-Alpes (France) -- Répertoires géographiques Notice n° : FRBNF34105263 (pages XXIV à XXXII) http://gallica.bnf.fr/document?O=N039290
  2. La Civitas Higomagensium et l'évêché de Nice. Paris, 1883, in-8°. (Mém. des Antiquaires de France, 1883, page 38)
  3. En attendant on peut consulter les Recherches sur la civitas et l'évêché Rigomagensium, par J.Roman; grenoble, Allier, 1880, in-8°
  4. pages 31, 32, 58, 59.
  5. Voici les numéros de ces manuscrit, tous du font latin: 3, 088, p.49; 5, 293, p.63; 5, 386, p.77; 5, 308, p.87; 5,310. p.5; etc
  6. Humbert II y souscrit un acte le 14 mai 1334 (Arch. de l'Isère, b, 2, 962, p.492); en 1550 ce fort existait encore et avait une garnison de six soldats commandée par Jean de Guers.
  7. Chartes, i ,t ,p.799


III. INVASIONS SARRASINES.

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Si l'on en croit quelques historiens, les Hautes-Alpes auraient été, en partie, peuplées par les Sarrasins échappés au fer de Charles Martel et de Guillaume de Provence ; on désigne très exactement les vallées qui servirent de refuge a cette race étrangère, les canaux qu'elle a creusés, les monuments qu'elle a construits, les mines qu'elle a exploitées.
Tous ces détails sont de pure invention; on ne sait rien ou presque rien des invasions sarrasines dans nos contrées.
En 738, Charles Martel chassa les Sarrasins de Provence et confisqua les biens de Mauronte et de Riculfe, grands seigneurs qui avaient été leurs alliés; une partie de ces biens était peut-être située dans les vallées des Alpes.
Les Sarrasins recommencèrent leurs incursions en Provence avant 890; les actes de saint Romule (1) témoignent qu'au Xe siècle ils avaient ravagé une partie de l'Embrunais; la vie de saint Mayeul, abbé de Cluny (2), nous apprend que revenant de Rome il fut arrêté près de la rivière du Drac (probablement dans la commune du Forest-Saint-Julien, à l'endroit nommé, jusqu'au XVIe siècle, apuid sanctum Mayolium), par une bande de pillards sarrasins ; cet événement eut lieu en 972. Enfin une bulle de Victor II, pape, à Viminien, archevêque d'Embrun, datée de 1057 (3), nous fait savoir que ce diocèse avait eu à souffrir des invasions sarrasines.
Voilà tous les textes relatifs à cette période historique qui soient venus jusqu'à nous-, ils ne sont ni nombreux ni instructifs et en dehors d'eux on ne sait rien.
On a voulu rattacher aux Alpes une légende de saint Bevons (4). Contrairement à l'opinion des Bollandistes qui placent cet événement dans les environs de Fréjus, ce saint aurait remporté une grande victoire contre les Sarrasins à Peirinpic (Hautes-Alpes); il serait né non loin de là, à Noyers (Basses-Alpes) et le village de Bevons voisin de Noyers aurait pris son nom.
Or, le village de Bevons (Beontium, Beguntium) n'a rien a démêler avec le nom de saint Bevons (sanctus Bobo); ce saint serait né, d'après sa légende, dans une localité de Provence nommée Castrum de Nugeriis, mais le village de Noyers n'est pas le seul dans cette province dont le nom moderne corresponde à cette appellation latine; plusieurs autres sont dans le même cas, entre lesquels Nozières (Vaucluse) et Nogaret (Alpes-Maritimes) ; le nom de Peirinpic, rocher escarpé sur lequel on n'a certainement jamais pu livrer une bataille, dérive évidemment de Petra in podio, la montagne en pointe, et non de Petra impia, la montagne des impies ou des infidèle.
Toute cette légende résulte donc d'un simple jeu de mots roulant sur, les noms de saint Bevons et du village de Bevons, et d'une mauvaise étymologie de Peirinpic dont on fait une montagne impie au lieu d'une montagne pointue. Il faut éloigner des Hautes-Alpes le théâtre des hauts faits un peu problématiques de saint Bevons.
Je ne dirai qu'un mot d'un texte extrait du bréviaire de Gap, de 1499, et que j'ai déjà cité à la page VIII. Il affirme que les Sarrasins furent expulsés du Gapençais peu avant 86 (sous Domitien!) par le comte Guillaume qui donna la ville de Gap à son évêque. En admettant que cette date doive se lire 986 au lieu de 86, même après cette correction elle serait encore inexacte - le comte de Provence ne pouvait donner à l'évêque de Gap un fief qui ne lui appartenait pas, mais était la légitime et incontestée propriété du roi de Bourgogne. Une charte de 1044 (5) nous apprend du reste que le comte de Provence et l'évêque de Gap se partagèrent peu avant cette époque, d'un commun accord, les droits régaliens et les propriétés du fisc dans le territoire de Gap, profitant pour accomplir leur usurpation, de la mort du dernier roi de Bourgogne et de l'éloignement de l'empereur son héritier.
Discuterai-je l'argument que l'on tire des noms de lieu Puymaure, Montmaur, Montmorin, etc? Un seul mot le réduira à néant. Au moyen âge les Sarrasins ne sont jamais nommés Mauri mais Sarraceni, et les noms précédents n'ont d'autre sens que montagne de Maurus ou de Maurinus, nom gallo-romain assez répandu qui signifie le brun ou le noir.
Il ne reste dans les Alpes aucune trace de constructions datant des Sarrasins les substructions et les tuiles que l'on nomme vulgairement murs sarrasins et tuiles sarrasines datent de l'époque gallo-romaine ou franque.
Dans le cours du Xe siècle, alors que notre pays est à tort considéré par certains auteurs comme occupé par ces hordes étrangères, six donations y ont été faites à des églises ou à des ordres religieux, en 928, à Jarjayes; vers 940, à Romette; en 960, dans huit localités du Gapençais; vers 965, a Antonaves et au Monêtier-Allemont; en 971, dans la Val-d'Oulle; en 988, à Saint-André de Rosans. Ceci démontre surabondamment que cette occupation sarrasine du Xe siècle, si elle a eu lieu, ne fut ni aussi longue, ni aussi complète qu'on l'a prétendu.
Sans doute, les Alpes durent, comme les contrées limitrophes, souffrir des invasions sarrasines qui apportèrent une perturbation dans l'état social et contribuèrent à la naissance de la féodalité, mais les Sarrasins n'organisèrent jamais leur conquête, d'une manière définitive, ce furent des pillards et non des administrateurs et des maîtres (6)
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NOTA BENE
1 Italia sacra, t. 1, p. 839, 840.
2 Bollandistes le 11 mai, et Roux Glaber, p. 677.
3 Gallia Christ., t. 111, instrum., p. 177.
4 LAPLANE, Hist. de Sisteron, t. 1, p. 51 à 56, et Saint Bevons d'après les documents originaux. Sisteron, Bourlès, 1856.
5 Arch. des Bouches-du-Rhône, b, 1,373, dernier feuillet.
6 Cf. TERRE-BASSE. Notice sur- les .Dauphins de Viennois, Vienne. Savigné, 1875. in-8°, J. ROMAN, Note sur les invasions sarrasines dans les Hautes-Alpes, Gap, Jouglard, 1882, in-8°



IV. ORDRES RELIGIEUX.

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Avant le VIIIe siècle on ne trouve pas trace d'ordres religieux dans les Alpes. En 726 Abbon fonde l'abbaye de la Novalaise dans la Maurienne; en 739 il lui lègue par son testament les biens immenses qu'il possédait dans les vallées alpestres.
Il est extrêmement difficile, sinon impossible, de reconstituer aujourd'hui cet ensemble de possessions. Presque toutes les églises du Briançonnais appartenaient à la Novalaise, qui possédait également, dans l'Embrunais, le Gapençais et le Champsaur, celles de Tallard, Remollon, Romette, Ancelle, Rosans, etc. On peut dire, en règle générale, que tous les biens qui ont appartenu plus tard aux abbayes d'Oulx et de Bréma, et dont l'origine n'est pas autrement connue, provenaient de la Novalaise. Il en est de même de beaucoup d'églises placées, comme elle, sous le vocable de saint Pierre.
La Novalaise ayant été détruite au commencement du Xe siècle par les invasions sarrasines, toutes ces possessions furent perdues et les moines dispersés.
La plus ancienne donation que nous connaissions après cette époque date de 928; elle est faite à l'église de Sainte-Foy de Conques, dans le territoire de Jarjayes.
Bientôt après, des largesses nombreuses attirent dans les Alpes les moines Bénédictins, ceux surtout de l'ordre de Cluny. De 940 a la fin du XIIe siècle des prieurés sont fondés à Romette, Antonaves, au Monêtier-Allemont, au Monêtier-de-Briançon, à Guillestre, Saint-André de Rosans, Gap, Ventavon, Tallard, Bruis, Ribiers, Barret, Serres, Saint-Bonnet, etc., en faveur des abbayes de Saint-Victor de Marseille, Montmajour, Saint-André-lès-Avignon, l'Ile-Barbe, Saint-Chaffre, Saint-Michel. de la Cluse, etc. Il faut ajouter à cette nomenclature quelques possessions très peu nombreuses de l'abbaye de Lérins.
Au XIe siècle l'abbaye de Saint-Géraud d'Aurillac fonde à Aspres-les-Veynes un prieuré conventuel qui devient le centre de ses possessions dans les Alpes, possessions qui, sauf deux exceptions (1), sont toutes groupées dans la vallée du Buëch.
A cette première couche de fondations ecclésiastiques s'en superposa bientôt une autre au milieu du XIe siècle, due aux religieux Augustins, dépendant des abbayes d'Oulx et de Bréma, qui succédaient à la Novalaise, et de la prévôté de Chardavon. Tout le Briançonnais ou peu s'en faut, l'Oisans en grande partie, avaient des prieurés de la règle de saint Augustin, qui était observée encore dans quelques prieurés de l'Embrunais, du Gapençais et du Champsaur.
Dans la première moitié du XIIe siècle a lieu une nouvelle série de fondations; elles ont pour origine l'abbaye de Chalais, règle de saint Benoit, création, à la fin du XIe siècle, de saint Hugues, évêque de Grenoble.
Les abbayes de Boscodon, de Sainte-Croix, de Clausonne et de Clairecombe sont fondées, les donations y affluent, les autres ordres religieux leur cèdent même une partie de leurs possessions; puis au XIIIe siècle la décadence arrive, l'ordre se disloque et, au XIVe siècle, il n'existe plus que deux de ces abbayes dans les Alpes, et leur importance est très diminuée.
En joignant à ces fondations celles de deux chartreuses, de quelques couvents de Doninicains et de Franciscains, on aura le bilan à peu près complet de nos ordres religieux au moyen âge.
A partir du XIVe siècle il s'opéra un travail de centralisation : beaucoup de prieurés furent unis aux cures, aux chapitres cathédraux; d'autres plus nombreux encore furent annexés à des prieurés plus importants, de telle sorte qu'au XVIe siècle il n'existait plus dans les Alpes que quatre ou cinq prieurés conventuels, et pas un ne survécut aux guerres de religion.
Avant 1600, tous avaient été sécularisés et les abbayes mises en commende; en 1600, il n'existait plus en fait de maisons religieuses de fondation ancienne que l'abbaye de Boscodon, la chartreuse de Durbon, trois couvents de Franciscains et un de Dominicains.
Quelques autres couvents de Jésuites, Capucins, Visitandines, etc., avaient été. fondés au XVIIe siècle (2).
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NOTA BENE
  1. Ces exceptions sont le prieuré conventuel de Saint-Géraud de Roveria à Montgardin en Embrunais, et le prieuré et l'hôpital de Saint-Marcellin dans la ville .
  1. Cf. Cartulaire de Cluny, de Saint-Victor, de Saint-Hugues, de Sainte-Foi de Conques, d'Oulx, Cartulaires inédit de Durbon et de Boscodon. -(Pilot de Thorey, Prieuré de diocèse de Grenoble. Grenoble, Maisonville, 1884, in-8°.- Le Laboureur, Masures de l'Ile-Barbe.- Dictionnaire topographique des Hautes-Alpes, introduction)




v. MAISONS HOSPITALIÈRE
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J'ai compté, plus de soixante hôpitaux, maladreries, léproseries ou maisons de refuge dans les Alpes, fondés presque tous par la charité privée. Ils étaient disséminés le long des routes qu'ils jalonnaient, et parfois tellement rapprochés que la distance moyenne de l'une à l'autre n'était pas de plus de cinq kilomètres. Des maisons semblables étaient construites sur les cols les plus fréquentés et les plus dangereux à traverser pendant à saison froide; plusieurs de ces dernières étaient dues à la libéralité des Dauphins.
Dès le commencement du XIIIe siècle, une confrérie dont les membres portaient le titre de frères de sainte Marie-Madeleine, administrait la plupart de ces établissements hospitaliers. Une chapelle sous le titre de Sainte-Madeleine existait dans presque toutes ces maisons hospitalières, circonstance qui leur a valu le nom de Madeleine
ou de Mételine, que portent encore les endroits où elles étaient construites.
Où, quand et par qui fut fondée cette congrégation, je l'ignore, mais je crois son origine toute locale. En effet, elle était placée sous la juridiction d'un abbé général et tous ceux de ces dignitaires dont le nom est venu jusqu'à nous appartenaient à des familles embrunaises.
Chaque maison était administrée par un religieux portant le titre de preceptor; les directeurs se réunissaient à certaines époques fixes pour discuter les intérêts généraux de la congrégation.
Cette confrérie qui a étendu ses ramifications en Dauphiné, en Provence et ailleurs peut-être, existait encore en 1478 dans son organisation première.
En 1228, l'un de ses membres, le prêtre Bontoux, voulut créer une congrégation nouvelle; comme les statuts de Sainte-Marie-Madeleine ne sont pas venus jusqu'à nous, nous ignorons en quoi ils différaient de ceux qu'il rédigea (1). Cette fondation prit le nom de Confrérie de la Sainte-Pénitence; son but était de soigner les pauvres, les malades et de prier pour la délivrance du Saint-Sépulcre. Son siège fut fixé au Villard-la-Madeleine en Briançonnais; approuvée par le pape, favorisée par le Dauphin qui lui donna la direction de quelques hôpitaux, elle fut obligée, au bout de deux ans, de se dissoudre, j'ignore pourquoi et disparut.
Dès le XIVe siècle, les religieux bénédictins avaient été appelés à la direction de quelques maisons hospitalières; l'abbaye d'Oulx les avait précédés dans cette voie au XIIIe siècle. Cependant, à la fin du XVe, les frères de Sainte-Marie-Madeleine existaient encore, mais leur institut ne résista pas aux guerres de religion. A cette époque, la plupart des maisons hospitalières furent supprimées et on ne laissa subsister qu'un petit nombre d'hôpitaux à la direction desquels on appela des congrégations religieuses de femmes sous la surveillance des curés, des magistrats et des consuls (2).
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NOTA BENE
1.- Archives de l'Isère, B, 2,933.

2.- Cf. J. ROMAN, La congrégation de la Sainte-Pénitence et les maisons hospitalières du Briançonnais, Valence, 1886, in-8°



VI. DES BAILLIAGES, CHÂTELLENIES ET MANDEMENTS.

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Les bailliages ne sont pas de très ancienne création on n'en trouve pas trace avant le premier tiers du XIIIe siècle. Auparavant les Dauphins administraient eux-mêmes directement leurs domaines, et les comtes de Provence avaient confié, au XIe siècle, la surveillance des comtés les plus éloignés de leur résidence a des vicomtes. De 1044 à 1090 le Gapençais et l'Embrunais étaient placés sous la juridiction des vicomtes de Gap, remplacés, au XIIe siècle, par un simple administrateur. En 1203 le magistrat qui représentait le comte de Provence dans l'Embrunais portait encore le titre de vicomte, titre certainement non transmissible à ses descendants. Quelques années plus tard furent créés le titre et les fonctions de bailli.
En principe les bailliages correspondaient aux comtés qui, , eux-mêmes représentaient les anciens pagi francs tels que nous les trouvons dans le testament d'Abbon, mais cette règle n'est pas absolue. Les bailliages de l'Embrunais, du Graisivaudan, du Gapençais et des Baronnies ont varié en effet, à plusieurs reprises, d'étendue, empiétant sur leur territoire mutuel suivant diverses considération, les réclamations des administrés et l'ambition ou l'influence des administrateurs (1).
Les châtellenies étaient des divisions administratives fort anciennes ; dès 1063 l'existence d'un châtelain à Briançon nous est connue et ce magistrat paraît avoir des attributions très importantes (2). Après la création des bailliages, les châtelains, devenus les subordonnés des baillis, ne furent plus que des administrateurs subalternes.
Si les bailliages ont varié dans leur étendue, les châtellenies ont varié bien davantage encore; plusieurs ont été créées, supprimées ou modifiées suivant les besoins du moment. Le Dauphin voulait-il, par exemple, surveiller les agissements d'un seigneur trop remuant, il créait une châtellenie sur la lisière de son fief pour prendre, au besoin, la défense des sujets delphinaux (3); avait-il acquis une terre importante, il y établissait un châtelain ; la vendait-il, il le supprimait (4). Il y a donc plusieurs châtellenies dont l'existence a été éphémère, et desquelles l'époque de la création et de la suppression nous échappe.
L'existence des mandements est également fort ancienne et contemporaine de, celle des châtellenies (5). Le mandement était une unité au point de vue féodal, administratif et de l'impôt; lorsqu'il comprenait plusieurs villages, chacun des seigneurs particuliers de ces villages prenait le titre de coseigneur du mandement; il y avait un seul châtelain seigneurial par mandement; les impôts étaient exigés en bloc de chaque mandement et répartis ensuite par les syndics de chaque communauté entre les diverses paroisses qui le composaient. Il est probable même qu'au début du moyen âge il n'y eut dans la plupart des mandements qu'une seule paroisse.
Mais peu à peu les mandements ne tardèrent pas à se subdiviser, les paroisses à se multiplier, et enfin les divers villages d'un même mandement obtinrent leur érection en communautés indépendantes. Quelquefois le partage des biens Communaux fut la conséquence de cette dislocation, chaque communauté réclamant sa part des terres jusqu'alors indivises (6); d'autres fois les biens communaux continuèrent à appartenir à la généralité du mandement (7).
Ces constitutions de communautés furent absolument arbitraires et ne tinrent aucun compte de l'importance de la population et de la diversité de leurs intérêts. Tandis que des vallées divisées aujourd'hui en trois communes et cinq paroisses ne formaient qu'une seule communauté (8), de petits hameaux de moins de cent habitants étaient parvenus à avoir une existence municipale indépendante (9). Du reste beaucoup de ces communautés, après avoir péniblement vécu pendant quelques années, sollicitèrent d'elles-mêmes leur suppression. Ce sont des variations qu'il est bien difficile de suivre aujourd'hui d'une manière précise à cause de la destruction de la plupart des archives communales; elles n'offrent du reste qu'un médiocre intérêt.
Si la constitution intérieure des mandements a varié, leur nombre n'a pas moins été sujet à changement; plusieurs ont été supprimés (10), d'autres ont été créés (11), et ces événements nous sont connus plutôt par la tradition, toujours suspecte, que par des documents authentiques. Un petit mandement placé entre deux mandements plus considérables ne tardait pas à disparaître; une partie importante de ses terres finissait toujours par passer entre les mains de ses voisins, qui faisaient voter bientôt par la majorité, dont ils faisaient partie, l'annexion, aux mandements limitrophes.
L'opposition la plus sérieuse à des modifications dans les mandements venait des seigneurs qui n'avaient rien à y gagner, aussi voyons-nous que la plupart des mandements supprimés appartenaient au domaine delphinal.
Il résulte des considérations précédentes qu'il est à peu près impossible de suivre dans tous leurs détails les changements subis par nos bailliages, nos châtellenies et surtout nos mandements. Les difficultés sont surtout insurmontables pour ces derniers.

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NOTA BENE
  1. C'est ainsi, par exemple, que l'importante vallée du Champsaur, d'abord unie au bailliage du Graisivaudan, fut annexée à celui de l'Embrunais pendant le XIVe siècle, rendue au Graisivaudan au XVe, partagée entre le Graisivaudan et le Gapençais, en 1463.
  1. Cartulaire d'Oulx, p. 135.
  1. Les châtellenies de Montalquier et de Réotier furent ainsi créées contre l'archevêque d'Embrun et l'évêque de Gap et sur la limite de leurs seigneuries.
  2. Exemple: Le Dauphin ayant acquis en 1303 de Guillaume Blanc une grande partie de la seigneurie de Montorcier, y créa une châtellenie, qui devint inutile lorsque ce domaine eut été en grande partie aliéné. Il en fut de même pour la châtellenie de Savouron.
  3. Cartulaire d'Oulx, p. 135
  4. Les quatre communautés du mandement de Guillestre, les deux du mandement de Réotier, les trois du mandement de Pontis, procédèrent à un partage de leurs bien communaux.
  5. Les biens communaux des mandements de Savines et d'Embrun, étaient et sont encore indivis entre les cinq communautés du premier et les trois du second.
  6. Exemple: la vallée de la Vallouise.
  7. La commune actuelle de Saint-Firmin, qui comptait en 1725 640 habitants, était divisée à cette époque en six communautés : Saint-Firmin, la Brouse, les Reculas, le Villard, les Préaux et l'Esparcelet, dont trois n'avaient pas cent habitants.
  8. Exemple : le mandement de Montmirail qui fut partagé à la fin du XVe siècle entre ceux de Savines et des Crottes.
  9. Exemple : le mandement de Baratier, créé ver le XIIIe siècle aux dépens de celui d'Embrun
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VII. FÉODALITÉ ET ADMINISTRATION FÉODALE.

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Les troubles du Xe siècle, les incursions des Hongrois, des Normands et des Sarrasins, l'impuissance des rois de Bourgogne à défendre leur domaine, ont été l'origine de la constitution féodale dans nos contrées. Les populations qui avaient soif de protection, se jetèrent entre les bras des comtes de Provence, des comtes d'Albon, des seigneurs d'Orange, des barons de Mévouillon, qui organisèrent comme ils purent la défense des vallées des Alpes et se taillèrent arbitrairement de petites principautés dans la province viennoise.
Les simples seigneuries, les arrière-fiefs furent la récompense de leurs compagnons d'armes, et l'Église, représentée par l'évêque de Gap et l'archevêque d'Embrun, sut tirer parti de ces événements pour acquérir des biens considérables et une immense influence.

DU FIEF.

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Le fief se divisait en alleu et en fief proprement dit.
Le premier était une propriété libre, transmissible, dégagée de toute redevance. Les alleux ont toujours été en diminuant de nombre et d'importance. Qu'ils aient existé en Gapençais et en Champsaur, cela ne fait aucun doute; les lieux dits l'alleu ou l'alloi en sont la preuve et témoignent que là étaient d'anciennes terres allodiales disparues de très bonne heure (1). Dans l'Embrunais, et surtout dans le Briançonnais, les alleux furent plus longs à s'éteindre; nous trouvons en Vallouise un alleu bien caractérisé en 1313 : Jean de Montorcier consent, cette année là, à vendre son libre fief au Dauphin et à le reprendre de lui à charge de foi et hommage; ce contrat est consenti moyennant une forte somme d'argent (2). Chabert de Lucerne en avait fait autant en 1300, dans la même vallée, moyennant 50 sols de rente annuelle (3). Ce sont autant d'exemples d'alleux qui disparaissent.
Le principal moyen employé par le Dauphin pour établir sa juridiction sur des fiefs encore libres, était la sauvegarde. En prenant les sujets d'autrui sous sa sauvegarde, il ne tardait pas à mettre le pied dans le fief; mais parfois cette intrusion amenait des réclamations, comme de la part des seigneurs de Montgardin en 1265 (4). Alors le Dauphin reculait, quitte à attendre une meilleure occasion pour inter-venir de nouveau.
Le fief proprement dit était une seigneurie sujette à des redevances annuelles, et, en principe, le possesseur en était seulement usufruitier ; cela explique pourquoi il avait à payer un droit de transmission souvent fort onéreux et qualifié dans nos contrées de plaid à miséricorde. Le taux en était très variable et flottait entre le tiers et le vingtième denier, c'est-à-dire depuis le cinq pour cent jusqu'au tiers de la valeur de l'immeuble vendu. Encore cet état de choses était-il une amélioration due à des transactions, car, plus anciennement, les nobles ne pouvaient transmettre leurs fiefs, même à leurs héritiers directs, que sauf le bon plaisir du Dauphin. Le seigneur des Crottes obtint ce droit en 1265 seulement (5). Les nobles du Queyras sont gratifiés de cette faculté en 1311, grâce au don d'une somme d'argent et en s'engageant à payer les lods au douzième denier (6); le seigneur de Montclus n'en jouissait pas avant le 2 mars 1342.
Une autre espèce de fief était l'inféodation d'une charge à titre onéreux : la plupart des mistralies et des champeries (trésoreries et offices de police rurale) étaient inféodées dans nos contrées, au XIVe siècle, moyennant une somme fixe et annuelle (7). C'était un système d'administration qui tendait à diminuer les frais de perception des impôts et revenus et qui rappelle les fermes des impôts sous l'ancien régime.
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NOTA BENE

  1. Le 21 mai 1253, vingt seigneurs de Veynes reconnaissent la juridiction du Dauphin moyennant certains privilèges. Jusqu'alors la terre de Veynes était très probablement allodiale.
  2. archive de l'Isère, b, 2 623.
  3. Ibid. B, 2,620
  4. J. Roman. Chartes de libertés ou de privilèges de la région des Alpes, Paris, Larose, 1886, p.32
  5. J. Roman. Chartes de libertés ou de privilèges de la région des Alpes, Paris, Larose, 1886, p.29
  6. Ibid., p.35
  7. Voir par exemple à l'article Saint-Bonnet

DEVOIRS DU VASSAL

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Le premier devoir du vassal était l'hommage ; les ecclésiastiques le prêtaient debout, une main sur les livres saints, l'autre sur leur poitrine; les nobles debout, les mains dans celles de leur suzerain, qu'ils baisaient sur la bouche; les roturiers à genoux, les mains dans celles de leur suzerain, qu'ils baisaient au pouce. Il est à remarquer que les bourgeois de certaines villes et ceux qui possédaient le droit de bourgeoisie par concession du Dauphin, prêtaient hommage à la manière des nobles. Les habitants du Briançonnais, par exemple, avaient le privilège de le prêter avec ce cérémonial, au moins depuis la fin du XIIIe siècle.
Les six chefs du serment de fidélité sont résumés dans nos prestations d'hommage par le brocard de droit suivant : incolume, tutum, honestum, utile, facile et possibile qui sunt sex capituli de forma fidelitatis.
Le vassal s'engageait presque toujours, non seulement à servir son suzerain, mais même à lui dénoncer, dans un délai utile, les entreprises contre ses droits ou son autorité qui pourraient venir à sa connaissance. Souvent aussi il ne prêtait hommage que sous la réserve formelle de l'hommage qu'il devait à un autre seigneur et des devoirs qu'il avait contractés à son endroit.
Le service militaire ou chevauchée (cavalcata) est l'une des obligations les plus strictes du vassal; avant le XIIIe siècle il parait laissé à peu près partout dans les Alpes à l'arbitraire du suzerain, qui pouvait convoquer le nombre d'hommes armés dont il avait besoin, pour l'espace de temps qui était nécessaire et pour le suivre où bon lui semblait. Au XIIIe siècle de nombreuses transactions limitèrent ce droit à cinq cents hommes pour le Briançonnais, à cent hommes pour les villes principales, à un cavalier ou deux pour les fiefs. La durée de leur service, qui ne pouvait être converti en une redevance en argent, était d'un mois par an; les limites que ces contingents ne devaient pas dépasser étaient soigneusement fixées. Les seigneurs inférieurs eux-mêmes transigèrent à ce sujet avec leurs vassaux; plusieurs les exemptèrent de tout service militaire moyennant une somme fixe et annuelle. Quelques-uns de ces contingents ne pouvaient être appelés isolément ; il fallait, pour pouvoir les mettre en mouvement, faire une levée générale dans la contrée (1). Les chevauchées ne pouvaient être reportées d'une année à l'autre; le droit du suzerain de les convoquer s'éteignait avec l'année révolue (2).
Le dauphin Louis II (plus tard Louis XI) transforma beaucoup de ces droits de chevauchées en une imposition régulière en argent au grand avantage du trésor, de la défense du pays et même du bien-être des populations.
Le vassal était tenu de livrer sa forteresse et d'y recevoir garnison du suzerain à la première réquisition; ce droit était constaté par une cérémonie symbolique qui consistait à hisser chaque année, pendant un jour, et à tout changement de suzerain et de vassal, l'étendard du suzerain sur la plus haute tour du château. Ce droit est mentionné dans des actes extrêmement nombreux, et les comtes de Provence ne manquèrent jamais, à chaque mutation d'évêque, de faire élever leur drapeau sur le palais épiscopal de Gap en témoignage de suzeraineté (3).
En signe de vasselage le seigneur de Manteyer était obligé de tenir la bride du cheval de chaque nouvel évêque de Gap au moment de son entrée dans sa ville épiscopale (4).
La violation du serment de fidélité emportait crime de félonie; on encourait les punitions que comportait ce crime, non seulement pour avoir porté les armes contre son suzerain, mais même pour avoir refusé de prêter un nouveau serment de fidélité ou pour avoir disposé de son fier sans autorisation préalable (5). La rébellion était punie de mort, les autres crimes de la perte du fief. L'empiétement sur la juridiction ou sur les autres droits du suzerain était passible d'une forte amende.
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NOTA BENE
  1. J. Roman. Chartes de libertés ou de privilèges de la région des Alpes, Paris, Larose, 1886, p.31
  2. ce fait est constaté dans des chartes municipales d'Embrun.
  3. Voir aux seigneuries de Veynes (1253), de Montbrand (1311), de la Piarre (1334), etc. les procès-verbaux de l'érection du drapeau de Provence sur le palais épiscopal de Gap sont conservés aux Archives des Bouches-du-Rhône.
  4. Acte du 11 juillet 1308. Archives de M. Amat.
  5. Voir un procès remarquable suivi d'exécution à l'art. la Beaume des Arnauds.

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TRANSMISSION DU FIEF

Ainsi qu'il a été dit plus haut, le Dauphin accorda là tous les seigneurs, au XIIIe et au XIVe siècle, la faculté de transmettre leurs fiers, soit par vente, soit par donation, soit par testament ou par intestat. Cependant il se réserva toujours le droit de s'opposer à l'aliénation et, en cas de vente, de se saisir du fief par droit de prélation en payant le prix convenu entre les deux contractants. Cette clause avait pour but de prévenir les dissimulations dans le prix et par suite une diminution dans les lods ou droits de mutation. Il existe d'assez fréquents exemples de l'usage de ce droit de prélation.
Dans un délai d'un an le nouveau seigneur devait prêter hommage et déposer à la Chambre des comptes son aveu et dénombrement sous peine de caducité de la vente et même de perte du fief.
Le droit d'hérédité était généralement des plus larges ; les femmes comme les hommes étaient habiles à posséder des fiefs. Parfois les seigneuries se divisaient à l'infini a la suite de partages; de petites terres , dont le revenu n'excédait pas 50 florins, avaient jusqu'à quarante coseigneurs qui se nommaient parerii ou heredes (1). Ils ne possédaient souvent aucune juridiction et devaient hommage à l'un d'entre eux, nommé, seigneur majeur, qui le prêtait lui-même au Dauphin.
Les seigneurs majeurs, qui recevaient l'hommage des seigneurs inférieurs et possédaient le merum mixtumque imperium, (dont on a fait depuis, par un barbarisme curieux, la juridiction mère, mixte et impère), prenaient le titre de barons (2).

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NOTA BENE
  1. Voir à la seigneurie de Névache, à celle de veynes, à celle de Savines, etc.
  2. J.Roman. Chartes de liberté ou de privilèges de la région des Alpes, P.33

REDEVANCES FÉODALES.

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Les redevances payées au Dauphin par ses sujets et aux seigneurs inférieurs par leurs hommes liges, étaient de même nature, et variaient seulement du plus au moins. En vertu des droits régaliens qui leur avaient été concédés par les empereurs, les Dauphins possédaient les montagnes, les forêts, les pâturages, les terres vagues, les mines et les cours d'eau. De cette propriété découlaient des droits nombreux et variés : le pedaticicm ou droit de péage sur les rivières, le passaticur». ou droit de péage sur les grandes routes, l'usaticum ou droit sur la vaine pâture, le pulveragium ou droit de péage sur les troupeaux étrangers, le pasqueragium ou droit sur les pâturages de montagnes, le riveragium ou droit sur les canaux et les diverses industries qui se servaient de l'eau des rivières, l'alpagium ou droit sur les coupes de bois. Lui seul avait le droit de concéder des mines et d'autoriser la création de hauts fourneaux (1).
Il percevait en outre une taille générale nommée taille comtale ; une partie de la dîme des céréales nommée tassia ou tachia, et une somme arbitraire pour les six cas impériaux, c'est-à-dire lorsqu'il passai la mer, était fait prisonnier, allait vers l'empereur, était fait chevalier, mariait l'un de ses enfants ou achetait une terre.
Il était extrêmement rare qu'il levât un impôt régulier par feu, cela était même considéré comme une exaction. En -1340 le Dauphin avait imposé une. redevance pareille à ses sujets du bailliage de Serres, mais en s'excusant sur de pressantes nécessités (2).
Tels étaient les droits particuliers du Dauphin; les autres lui étaient communs avec les seigneurs inférieurs dont je vais parler.
Nous trouvons dans les chartes de liberté l'énumération des redevances dues aux seigneurs. La plus ancienne charte de liberté dont il soit fait mention pour le Haut-Dauphiné date de la fin du XIIe siècle, elle fut concédée par le comte de Forcalquier à ses sujets d'Embrun. On n'en connaît ni la date exacte ni la teneur, mais elle est plusieurs fois invoquée par les Embrunais dans les siècles suivants. Toute une série d'actes semblables se succèdent à partir du XIIIe siècle; la communauté de Manteyer obtient sa charte de liberté en 1500 seulement (3).
Ces actes stipulent soigneusement les droits mutuels des contractants. Voici les principaux:
  • Droits sur le sol. Tasche ou dîme des céréales; une quantité de blé par maison, variant suivant le nombre de têtes de bétail possédé par chacune d'elles ; corvées, divisées en corvées de printemps et corvées d'automne; on stipule soigneusement à quel genre de travail elles devront servir; les bêtes de somme doivent également la corvée. Droit d'albergue ou de logement chez le vassal (au XIIIe siècle il disparaît); droit d'emprunt forcé des bêtes de somme ou du mobilier du vassal; droit de requérir des vivres pour la nourriture des hôtes du suzerain,
  • Droits sur les personnes. Droit de confiscation si le vassal vend ses biens, meurt intestat, quitte le pays ou se fait d'église ; les bâtards deviennent les hommes du Dauphin. Droit d'aubaine sur les étrangers qui meurent dans la seigneurie; le seigneur y renonce généralement moyennant une rente. Droit de requérir le vassal pour servir de messager. Service militaire, racheté quelquefois par un impôt. Taille personnelle variant suivant le nombre de bêtes de somme possédé.
  • Droits domaniaux. Droit de chasse, de pêche, de colombier; droit sur une portion des animaux de boucherie (la langue ou l'épaule le plus souvent (4)), sur une portion du gros gibier (par exemple, une patte des ours tués); droit de fournage, de chevilage, de mouture; droit de garenne; revenus des terres albergées; droit sur les défrichements; taxe sur les pâturages (un agneau par trente bêtes à laine); taxe sur les coupes de bois (20 sous en 1427)(5).
  • Droits sur le commerce. Péages; leyde ou droit de foire; concession de foires., moyennant une somme d'argent, avec ordre à chaque propriétaire de les fréquenter; exemption de droits de leyde pour les indigènes ; sauf-conduits pour les étrangers; droit de pulvérage sur les troupeaux étrangers; droit de passage sur les radeaux descendant les rivières.
Tous ces droits étaient soigneusement inscrits dans les reconnaissances que les seigneurs se faisaient passer à certains intervalles par leurs sujets. Les plus anciens de ces documents qui soient venus jusqu'à nous sont les reconnaissances de 1265 pour le Briançonnais et le Champsaur.

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NOTA BENE

  1. Voir aux articles consacrés à l'Argentière et à Arvieux
  2. Lettre de Humbert II du 12 avril 1340 s'excusant auprès des habitants de Serres du nouvel impôt dont il les frappe (Inventaire de la Ch. des Comptes)
  3. Archives de M.Amat
  4. Voir notre deuxième volume, 2 mars 1263
  5. 2 juillet, à propos de la forêt de la Fusine (Archives de l'Isère, B, 3, 010).


JUSTICE

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Mais de tous les droits seigneuriaux le plus important sans contredit et le plus recherché était celui de justice.
Au début du moyen âge elle était à l'état rudimentaire et s'exerçait dans des plaids publics, présidés par le seigneur ou même par sa femme (1). Peu à peu l'exercice de la justice se régularisa, on adopta une jurisprudence et des formes traditionnelles.
Le voisinage de l'Italie attira dans les Alpes des jurisconsultes italiens, dont plusieurs acquirent une grande autorité à la cour des Dauphins (2); sous leur influence il se forma une jurisprudence mêlée de droit romain et d'usages locaux.
Un juge majeur, assisté de jurés qui promettaient de rendre bonne et fidèle justice, tenait des assises ambulantes dans chaque communauté. Sa compétence s'étendait sur les crimes et les délits. L'appel était d'abord porté directement au suzerain, puis à un juge des appellations, puis enfin au conseil delphinal, à partir du 22 février 1337 (3).
Un certain nombre de seigneurs avait droit d'exercer la justice criminelle, dont les fourches patibulaires étaient le symbole (4).
Pour la justice civile, la base était le droit romain modifié par les coutumes locales. Un juge par comté siégeait au nom du Dauphin; un autre, dans chaque seigneurie, au nom du seigneur. Parfois même le droit de justice était indépendant de la Seigneurie et constituait un fier particulier, soit qu'il eût été aliéné par le Dauphin ou par le seigneur au profit d'un tiers. Transmissible héréditairement comme tout autre fief, il se subdivisait parfois a l'infini, de telle sorte que tel noble possédait le douzième ou le trente-deuxième de la juridiction d'un fief, concourait, dans la mesure de sa part, à la nomination du juge et touchait le produit des amendes pendant un douzième ou un trente-deuxième de l'année.
Le magistrat delphinal se nomme d'abord juge, puis, à partir de 1447, vibailli (5). Les juges seigneuriaux se nommaient généralement bailes.
La justice n'était pas territoriale, mais personnelle; chaque seigneur avait juridiction sur ses vassaux, à quelque endroit qu'ils habitassent dans la seigneurie.
La justice n'était du reste pas trop mat rendue et la procédure offrait quelques garanties. Dans le Briançonnais et à Tallard, par exemple, l'accusé avait le droit d'obtenir sa liberté provisoire sous caution et ne pouvait être détenu préventivement au delà d'un certain laps de temps (6). l'information se faisait a l'aide d'enquêtes précédées d'excommunications fulminées contre ceux qui refuseraient de révéler ce qu'ils savaient.
Le seigneur avait le droit d'imposer des bans, c'est-à-dire des défenses ou des règlements agricoles; un champier était chargé de constater les délits ruraux dont la connaissance appartenait au baile ou au châtelain seigneurial.

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NOTA BENE

  1. Cart. de Saint-Victor, tome II, p.555.
  2. Par exemple: Bienvenu de Campesio de Pavie; Jacques de Ravenne; François Fredulphi de Parme, chancelier delphinal, etc.
  3. Fondé par Humbert II à Beauvoir, transfère peu après à Grenoble.
  4. Voir seigneurie des Crottes, acte du 6 août 1319, et seigneurie de Savines, acte du 1er novembre 1316
  5. Louis II, dauphin, modifia les circonscriptions des bailliages en 1447. Voir le Dictionnaire topographique des Hautes-Alpes, p. XLV.
  6. Chartes en faveur des Briançonnais, du 19 septembre 1316; en faveur de Tallard, datée de 1285 à 1300

OFFICIERS SEIGNEURIAUX.

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Les agents charges de percevoir les revenus delphinaux se nommaient mistraux; en 1250, leurs émoluments étaient d'un sol par livre (1), ils versaient leur recette entre les mains du châtelain. Au XIVe siècle, les mistralies furent généralement inféodées comme un simple fief, elles pouvaient être aliénées ou transmises héréditairement. Les châtelains versaient leur recette à la Chambre des comptes, en rendant en même temps leur compte par recette et dépense.
Les baillis, a un degré hiérarchique au-dessus des châtelains, contrôlaient leurs actes, rassemblaient les contingents et représentaient le Dauphin.
Les seigneurs ecclésiastiques, au lieu de mistraux, avaient des trésoriers ou clavaires ; les seigneurs laïques confiaient la recette de leurs revenus à des châtelains, agents d'affaires, collecteurs d'impôts et commissaires de police; à Tallard cet officiel, se nommait viguier; à Névache, podestat.

NOTA BENE
  1. Voir la charte de Névache: Chartes de libertés ou de privilèges, p.25.

LIBERTÉS MUNICIPALES.

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Les villes du Haut-Dauphiné possédaient, de temps immémorial, certaines libertés municipales dont l'origine n'est pas connue, et qui remontent vraisemblablement jusqu'à l'époque romaine dont les traditions communales et judiciaires ne s'étaient jamais perdues dans nos contrées. On ne trouve aucune charte de libertés ni pour Gap, ni pour Embrun, ni pour Briançon, antérieure au XIIIe siècle; il est certain, néanmoins, que dans ces villes la vie municipale était déjà active au XIIe.
Les bourgeois sont, au commencement du XIIIe, en possession d'élire leurs consuls ou syndics, de s'imposer, de conserver les clefs de leur ville, de lever une milice pour garder leurs murailles ou faire la police, de nommer un juge pour punir les délits ou crimes commis sur leur territoire. En 1248, les citoyens d'Embrun autorisent le Dauphin à établir un magistrat dans leurs murs (1); en 1252, ceux de Gap acquièrent des terres considérables (2); si 1271, ils vendent au Dauphin leur juridiction consulaire (3).
Ces privilèges vont toujours en croissant jusqu'au milieu du XIIIe siècle; alors, une lutte des plus vives s'engage entre l'évêque de Gap, l'archevêque d'Embrun et leurs sujets, lutte qui se termine par le triomphe momentané du seigneur sur ses vassaux, et surtout par une augmentation de l'autorité du Dauphin qui profite habilement des fautes et des besoins de chacun d'eux. Les libertés municipales subissent une éclipse, mais au siècle suivant les bourgeois rentrent en possession de presque tous leurs droits, sauf celui de haute justice qu'ils perdent pour toujours (4).
La situation des villages était loin d'être aussi favorable. Leurs habitants ne possédèrent, jusqu'au XIIIe siècle, ni privilèges, ni consulat, ni droit de s'imposer, ni même de transmettre leurs biens à leurs héritiers.
Plusieurs des chartes de liberté qui leur furent concédées ont l'origine suivante. Parmi les droits seigneuriaux, le plus oppressif était celui de faire constater et punir les délits ruraux; le seigneur créait arbitrairement des délits et les amendes entraient dans ses coffres. C'est ce qu'on appelait le droit de bannerie. C'était une vraie tyrannie puisque les délits étaient poursuivis et punis, souvent malgré la volonté même de ceux qui les avaient subis, et puisque l'amende n'était pas touchée par celui qui avait été victime du dommage. Les habitants demandèrent donc au seigneur de changer ce droit de ban contre une redevance annuelle; ce qui fut généralement accepté. Le seigneur dut accorder comme conséquence de cette convention la nomination de syndics pour lever et répartir la somme fixée : aussitôt la vie municipale commence, la communauté a des représentants et d'autres transactions ne tardent pas à venir augmenter ses privilèges.
Voici le résumé des clauses principales des chartes de liberté : suppression de tailles arbitraires, moyennant, tantôt une somme fixe et annuelle, tantôt un impôt sur chaque maison variant suivant le nombre de bêtes de somme qu'elle possédait; suppression des tasches ou dîmes, moyennant une quantité fixe de céréales et de vin par maison; suppression des corvées arbitraires, moyennant un nombre de journées de travail pour les hommes ou les bêtes de somme, en définissant soigneusement l'époque où elles devaient se faire; suppression de la mainmorte, même pour les biens légués à l'Église; renonciation au droit d'aubaine, moyennant une redevance annuelle payée par l'étranger qui se fixe dans la seigneurie; liberté du pâturage, moyennant un agneau par trente bêtes à laine ; renonciation au droit de bannerie, moyennant une somme fixe et annuelle; autorisation de nommer des consuls chargés d'administrer les biens communaux, de répartir les impôts, de constater et punir les délits ruraux; abonnement pour une somme fixe (6 livres, à Upaix, en 1252), à l'impôt dû pour les six cas impériaux; réserve des droits d'alberge, de messager, de réquisition de vivres ou de mobilier pour nourrir oui loger les hôtes du seigneur, mais en payant un juste prix; renonciation au droit d'imposer aux vassaux l'obligation d'être, malgré eux, cautions des engagements du seigneur; renonciation au droit de garenne, de chasse et de colombier, moyennant une redevance annuelle; concession de la liberté de commerce; renonciation aux droits de leyde et de péage, en faveur des habitants de la seigneurie; concession du droit de disposer de leurs biens mobiliers ou immobiliers entre-vifs ou par testament (5).
Au XIVe siècle, presque toutes les communautés élisaient librement leurs syndics ou consuls dont le nombre était de deux, trois ou cinq selon l'importance de la population ; ces magistrats municipaux étaient assistés d'un conseil dont les membres étaient plus ou moins nombreux. Pour les affaires d'une très grande importance, on convoquait tous les pères de famille à une assemblée générale (parlamentum), qui avait lieu généralement sur la place publique devant la porte de l'église, et la décision de ce conseil général était souveraine. Si quelque affaire d'un intérêt majeur se présentait, on nommait pour s'en occuper des syndics spéciaux qui étaient pris parfois en dehors du conseil. Vers la fin du XIIe siècle, les communautés possédaient déjà des droits d'usage sur les forêts et les montagnes pastorales (6) ; au XIIIe et au commencement du XIVe, les Dauphins leur albergèrent la plus grande partie des vastes forêts dont ils étaient propriétaires, moyennant une rente annuelle. Bientôt elles furent assez riches pour acquérir des fiefs et pour éteindre, en remboursant les propriétaires, les droits féodaux qui pesaient sur elles.
La répartition des impôts entre les nobles et les roturiers variait suivant les localités. Évidemment, au commencement du moyen âge les nobles étaient exempts des taxes municipales, mais avec le temps cet état de choses fut modifié. Le 20 février 1238 nous voyons les nobles d'Embrun accepter toutes les charges communales, sauf les corvées personnelles; dans le Briançonnais le même fait se produit. Dans les autres parties du Haut-Dauphiné l'exemption de la taille était tantôt personnelle tantôt réelle; c'est-à-dire que tantôt le noble rendait exempte d'impôts la terre qu'il achetait, tantôt certaines terres réputées nobles ne payaient aucun impôt, alors même qu'elles étaient entre les mains de roturiers. Après d'interminables procès ce fuit ce dernier système qui triompha, même là où, par des transactions solennelles, la noblesse s'était soumise à payer l'impôt. Dans le seul Briançonnais l'égalité des charges entre le noble et le roturier fut maintenue, et encore les communes ne purent
arriver à ce résultat qu'en supprimant , peu près la noblesse, c'est-à-dire en achetant les droits féodaux et les fiefs.
La vie municipale, devint de plus en plus active et forte. Possédant une constitution précise, grâce à .leurs chartes de liberté, représentées par des Consuls, administrées par des conseils librement élus, les communautés furent des personnalités réelles. parfois puissantes et avec lesquelles il faut compter désormais (7).
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NOTA BENE

  1. Chartes de libertés ou de privilèges p.23
  2. Acquisition de la terre de Furmeyer, 3 janvier 1252
  3. le 11 janvier 1271 (Livre des libertés de Gap)
  4. Je ne parle pas du Briançonnais qui fut à partir du XIVe siècle dans une situation toute particulière. On en trouvera l'historique en tête de l'article qui lui est consacré dans le texte du Tableau Historique
  5. Voir les Chartes de liberté ou de privilèges de la région des Alpes
  6. la plus ancienne mention de ce droit d'usage dans nos contrées date de 1198. ( les Crottes)
  7. voir le traité des fiefs du président Salvaing de Boissieu; les Institutions briançonnaises de Fauché-Prunelle; les Chartes de liberté ou de privilèges de la région des Alpes

CONCORDANCE ENTRE LES ANCIENS MANDEMENTS

ET LES COMMUNES ACTUELLES (I)

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MANDEMENTS

COMMUNES


MANDEMENTS

COMMUNES

Antonaves
Antonaves
Chorges
Chorges
Argençon
St-Pierre-d'Argençon
Crévoux
Crévoux
Argentière (L')

L'Argentière-la-Bessé

Crottes (les)
Crottes (les)
Arzeliers
Eyguians
Dévoluy (le)
Agnières
Laragne
Cluse (la)
Aspremont
Aspremont
Saint-Disidier
Aspres

Aspres-sur-Buëch ou Aspres-Lès-Veynes

St-Étienne-en-Dévoluy
Aubessagne
Aubessagne
Epine (l')
Epine (l')
Costes (les)
Espinasses
Espinasses

Avançon


Avançon

Faudon
Ancelle

St-Étienne-d'-Avançon

Saint-Léger
Baratier
Baratier
Furmeyer
Furmeyer

La Bâtie


La Bâtie-Neuve

Gap
Gap

La Bâtie-Vieille


Rambaud
Beauchaine (le)
Agnielles
Guillestre
Ceillac
Faurie (la)
Guillestre

Saint-Julien-en-Beauchêne


Risoul
la Beaume la Beaume
Vars
Haute-Beaume (la)
Jarjayes
Jarjayes
Beaumont (le)
Aspres-lès-Corps
Lagrand
Lagrand
Briançon
Briançon
Nossage-et-Bénévent
Cervières
Lazer
Lazer
Monêt-de-Briançon (le)
Manteyer
Freissinouse (La)
Névache
Manteyer
Pisse (la)
Méreuil
Méreuil
Puy-St-André (le)
Montalquier
Gap
Puy-St-Pierre (le)
Montbrand
Montbrand
Puy-St-Vincent (le)
Montclus
Montclus
Saint-Chaffrey
Montéglin
Monteglin
St-Martin de Queyrières
Montjay
Chanousse
Salle (la)
Montjay
Val-des près (le)
Montgardin
Montgardin
Vallouise (la)
Montmaur
Montmaur
Vigneaux (les)
Montmirail
Crottes (les)
Villard-St-Pancrace (le)
Savines
Buissard (le)
Buissard (le)
Montorcier
Chabottes
Forest-St-Julien (le)
Chabottonnes
Buissard (le)
Laye
Champoléon
St-Julien-en-Champsaur
Orcières
St-Laurent-du-Cros
St-Jean-St-Nicolas
Chaillol
St-Michel-de-Chaillol
Montrond Montrond
Châteauneuf-de-Chabre
Châteauneuf-de-Chabre
Motte (la)
Molines-en-Champsaur
Châteauroux
Châteauroux
Motte (la)
Châteauvieux
Châteauvieux
Moydans
Moydans
Lettret
Oisans (l')
Grave (la)


Villard-d'Arène (le)

CONCORDANCE ENTRE LES ANCIENS MANDEMENTS

ET LES COMMUNES ACTUELLES (II)

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MANDEMENTS

COMMUNES


MANDEMENTS

COMMUNES

Orpierre
Orpierre
Serres
Serres
Orres (les)
Orres (les)
Sigottier
Sigottier

Pallon

Champcella
Sigoyer
Sigoyer
Freyssinières
Tallard Fouillouse
Roche-de-Briançon (la)
Lardier et Valença
Piarre (la)
Piarre (la)
Neffes
Poët (le)
Poët (le)
Pelleautier
Puy-Sanières (le)
Puy-Sanières (le)
Saulce (la)
Queyras (le)
Abriès
Tallard
Aiguilles
Terre-Commune Embrun
Château-Ville-Vieille
St-André-d'Embrun
Molines-en-Queyras
Saint-Sauveur
Ristolas
Terre-d'église Fare (la)
Saint-Véran
Glaizil (le)
Rabou-et-Chaudun Chaudun
Noyer (le)
Rabou
Poligny
Remollon Remollon
Terre-d'Empire Breziers
Théus
Rochebrune
Réotier Réotier
Trescléoux
Trescléoux
Saint-Clément
Upaix
Upaix
Ribeyret Ribeyret
Val de Barret (la) Barret-le-Haut
Sorbières
Barret-le-Bas
Roche-des-Arnauds (la) Roche-des-Arnauds (la)
Eourres
Rochette (la)
Rochette (la)
Pomet
Romette
Romette
Saint-Pierre-Avez
Rosans
Rosans
Salérans
Rousset
Rousset
Val d'Oulle (la) Bruis
St-andré-de-Rosans
St-andré-de-Rosans
Montmorin

Saint-Bonnet

Bénévent-et-Chartillac
Sainte-Marie
Infournas (les)
Val d'Oze (la) Bâtie-Mont-Saléon (la)
Saint-Bonnet
Chabestan

Sainte-Colombe

Étoile
Châteauneuf-d'Oze
Sainte-Colombe
Châtillon-le-Désert
Saint-Cyrice
Clausonne

Saint-Crépin

Eygliers
Oze
Mont-Dauphin
Saint-Auban-d'Oze
Saint-Crépin
Saix (le)
Saint-Eusébe
Saint-Eusébe
Valgaudemar (le) Clémence-d'Ambel
Saint-Firmin
Saint-Firmin
Guillaume-Pérouse
Saint-Genis
Saint-Genis
Saint-Jacques
Saléon
Saléon
Saint-Maurice
Sauze (le)
Sauze (le)
Villard-Loubière


Savines


Prunières
Valserres
Valserres
Puy-Saint-Eusèbe (le)
Ventavon
Monêtier-Allemont (le)
Réalon
Ventavon
Saint-Apollinaire
Veynes
Veynes
Savines
Vitrolles Barcillonnette
Savournon Bersac (le)
Esparron
Savournon
Vitrolles


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