Cette châtellenie avait été créée
par le Dauphin, à côté de Guillestre, bourg important
dont l’archevêque était seul seigneur, pour être
à portée de protéger ses sujets contre les usurpations
vraies ou prétendues de ce prélat. Lorsque la puissance
des archevêques eut été amoindrie par l’influence
croissante en Dauphiné du roi de France, la châtellenie
de Réotier n’eut plus de raison d’être. Les mêmes
magistrats étaient généralement titulaires de la
châtellenie d’Embrun et de celle de Réotier ; voici cependant
trois châtelains de Réotier qui ne le furent pas d’Embrun
: Guillaume d’Entrevennes, 1284, Merlin Morel, 1372, et Jacques Gontier,
1479-1483.
Le mandement de l’Argentière est de récente création ; il ne date que de la fin du XIIe siècle . Il faisait partie auparavant, avec les communautés de Freyssinières, Champcella et la Roche-de-Briançon, du mandement de Rame, et appartenait au comté de Provence, Mais en 1155, l’empereur ayant concédé au Dauphin des mines d’argent qui existaient dans les gorges du torrent du Fournel, près du village de l’Argentière, ce prince acquit du comte de Forcalquier la seigneurie de cette portion du mandement de Rame qui devint depuis celui de l’Argentière, de telle sorte que Freyssinières, Champcella et la Roche-de-Briançon demeurèrent à l’Embrunais et à la Provence, et que l’Argentière fut uni au Briançonnais et au Dauphiné. Le mandement de l’Argentière fit donc partie d’abord du bailliage du Briançonnais et de la châtellenie de Vallouise, mais lorsque l’Embrunais eut été acquis par le Dauphin, il retourna dans l’intervalle de 1342 à 1386, par la force des choses, à ses juges et administrateurs naturels, le bailli d’Embrun et le châtelain de Réotier.
- La paroisse de l’Argentière n’est pas très
ancienne ; elle date de la fin du XIIe siècle ou du commencement
du XIIIe, du moment où le territoire de l’Argentière
fut détaché du mandement de Rame. Avant cette époque,
il n’existait pour tout ce mandement qu’une ancienne église située
à Rame; le cimetière en subsiste encore et les
habitants vont y prier pour leurs anciens morts, à certaines
fêtes de l’année, en vertu d’une tradition de sept cents
ans.
- La paroisse de l’Argentière est, depuis la fin
du XIIIe siècle au moins, sous le vocable de saint Apollinaire.
En 1516, les chapelles payant décimes étaient celles
de Sainte-Catherine, Saint-Laurent et Saint-Michel-de-la-Bessée
; en 1742, à ces chapelles étaient venues s’ajouter celles
de Sainte-Marie-Madeleine , de Sainte-Anne et de Saint-Antoine ; la
chapelle de Saint-Laurent, n’existait plus. Peu auparavant avait été
fondée une chapelle de Saint-Roch. Les dîmes de l’Argentière
étaient partagées entre l’abbé de Boscodon, l’ordre
de Saint-Jean-de-Jérusalem et le curé.
- L’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem eut à l’Argentière une petite commanderie qui portait le titre de preceptoria Saneti Johannis de Gradibus Caroli; elle datait du XIIe siècle au moins, car une chapelle qui en dépendait et qui existe encore, a été construite à cette époque. A côté de cette chapelle était un hôpital pour les voyageurs, dont il subsiste quelques traces. En 1314, cette commanderie était unie à celle d’Embrun ; en 1667, l’ordre de Saint-Jean ne possédait plus à l’Argentière que, la chapelle de Saint-Jean, une maison fermière, quelques champs et une rente de 30 livres. Voici le nom de quelques-uns des commandeurs de l’Argentière :
Guillaume de Faudon | 1208 |
Faucon de Robina |
1260 |
Raymond Chabaud |
1266 |
Guillaume Boyson |
1270 |
Pons de Cornillon |
1202-1298 |
- Un hôpital nommé le Saint-Sépulcre-de-la-Pierre-Sainte,
existait dès 1264 a l’Argentière; à cette époque
Pierre de la Blache en était précepteur ; les moines
de Boscodon en étaient possesseurs en 1450 ; au XVIe siècle,
il n’existait plus.
- En outre, en 1342, il y avait une maladrerie à
l’Argentière
-L’Argentière fit partie jusqu’en 1155 de la Provence;
acheté après cette époque par le Dauphin, il
fut uni au Baillage de Briançon et a la châtellenie de
Vallouise, et fit retour de 1312 à 1386 au bailliage d’Embrun.
Le seigneur avait un châtelain seigneurial et un juge ; au XVIIe
siècle, cette juridiction s’exerçait à Embrun
avec appel au vibailliage de cette ville.
- Le Dauphin possédait au XIIIe siècle la seigneurie majeure de l’Argentière ; en 1220, il avait le droit de justice, de bannerie, 23 parts sur 32 du droit de leyde et de pulvérage, les lods calculés au tiers des biens vendus et six deniers par radeau descendant la Durance. Il aliéna la plupart de ces droits en faveur des seigneurs inférieurs dont voici la liste :
- Déjà en 1331, Raymond Aynard
avait acheté à Jean -Maynard une petite part
de la seigneurie de l’Argentière ; en 1371, il réunit
tout le fief entre ses mains.
1155, 13 janvier, l’empereur concède au Dauphin
la mine d’argent de l’Argentière avec autorisation de battre
monnaie à Cézanne avec ses produits: cette concession
est confirmée en avril 1238. On exploitait celle mine d’une
façon toute primitive; les mineurs étaient
autorisés à creuser des galeries dans des endroits désignés
d’avance, moyennant une redevance de 6 onces 1/4 par 16 marcs d’argent extrait ;
si le mineur abandonnait sa galerie, on pouvait la concéder à
un autre. Le Dauphin se réservait en outre le droit d’acquérir
tout l’argent extrait au cours moyen. Cette exploitation était
abandonnée au XVe siècle. Au XVIIe et au XVIIIe, les intendants
Bouchu et Fontanieu voulurent, mais sans succès, faire reprendre
les travaux ; un essai également infructueux fut tenté
en 1791. L’exploitation de la mine de l’Argentière a été
reprise en 1854, mais avec peu de succès.
- L’Argentière était habité au moyen-âge
par des Vaudois ; on peut voir à l’article de la Vallouise, ce que j’ai écrit sur
les persécutions qu’ils subirent.
AURUCE, (Obert). Ce personnage n’est peut-être
pas né à l’Argentière, mais il en était
seigneur. Il jouit d’une grande considération à la cour
des Dauphins et remplit pendant toute sa vie, qui parait avoir été
fort longue, la charge de maréchal du Dauphiné. On trouve
son nom comme témoin à presque tous les actes importants
émanés de la cour delphinale de 1210 à 1250.
- GUILLAUME (l’abbé P.).
Notice historique sur
l’Argentière (Bulletin de la Société d’études
des Hautes-Alpes, 1883, p. 261).
- ROMAN (J.). Monographie du mandement de l’Argentière.
Paris, Picard, 1883, in8°.